Tu es venue trop tard, mais tu es venue.
Ma lecture du monde avait besoin de toi, lorsque tu chanteras souviens-toi de tout cela. A toi seule, tu pouvais avoir toutes les voix de la polyphonie du monde, tu pouvais être la Muse, la représentation de la beauté, la femme et ses charmes qui pour moi ne sont pas maléfiques, une mortelle qui savait tout de la vague et de l’écume et qui lisait en moi comme dans un morceau de cristal.
Les autres pourront bien se moquer de nous et nous traiter de fous, seul l’amour ne l’est pas dans ce monde, souviens-toi de tout cela : c’est inscrit dans notre fable profonde, celle que je ne croyais pas puisqu’elle était trop belle lorsqu’elle sortait de l’onde, tu as su lire dans mes pensées comme si tu interprétais un rêve que je chantais. J’ai chanté pour toi, souviens-toi de cela lorsque tu chanteras avec le tissu de ta voix qui restera pour moi l’écho des mots qui sonnent sur ta peau. Tu m’as tout donné en quelques instants comme si tu arrivais du printemps, comme si tu arrivais avec un panier de cerises, une herbe folle entre les dents.
Je t’ai touchée par les mots puis par les doigts, Ô muse tu n’étais donc pas un songe même si j’avais rêvé de toi ! Poète tu sais bien que tout est mortel et que les muses n’existent pas, tu as appris à te contenter de mortelles comme tous les dieux de l’Olympe l’ont fait avant toi. Oui, mais je voudrais… Poète dis-moi encore ce qui n’existe pas, et je le ferai vivre pour toi, tu as ce pouvoir par tes mots, tu donnes forme au chaos et tu le rends présent aussi bien que vivant. Tu as la clé des chants, celle du sol, celle des voûtes et tu envoûtes tous et toutes par un air que tu reprends quand tu respires seulement. Ô Muse reprends un peu de mots que j’entende aussi ton chant, nous avons la même clé, pour lire à présent le reste du temps, reprenons le même chant, reprenons les mêmes mots puisque nous avons la clé du sol, reprenons à tour de rôle et chantons aussi bien qu’un rossignol de la chine ou du japon, et que les mots s’envolent avec la clé du sol.
Pierre-Louis SESTIER
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