https://youtu.be/BjRjqmiKPSwPrécipice
Les fracas du néant font tanguer ma cervelle.
Rien, dans le matin gris, ne semble croire au jour.
Un cauchemar, lancé comme un Diable qui court,
Piétine de ma foi toute candeur nouvelle.
Poison ! Chaos ! Le monde en chute me rend soûl.
Sans corps ni lieu, je m’éparpille au gré des choses,
Roulant, roulant jusqu’à crier mes nuits moroses
Au bout d’un enfer glauque où le temps se dissout.
J’ai huit ans
VoilĂ bientĂ´t que se raniment comme en foule
Les délices d’un temps nimbé de joie et d’or,
Qu’au fond des souvenirs, où la lumière dort,
Vient à ressusciter une enfance qui coule…
Je hume à l’infini les joyaux verts des monts
Et les prés capiteux moussant le long des plaines,
Tandis que, sous l’azur, les plus vives haleines
Emplissent de chaleur mes tout jeunes poumons.
Blottis au loin, quelques toits roux fument sans trĂŞve.
J’ai l’âge du matin ébloui devant moi,
L’âge de celui qu’aime en sourdine un émoi
Promené d’heure en heure avec la même sève.
J’ai huit ans. Une mèche éclate sur mon front.
Je suis gai, je suis libre autant que nous le sommes,
Mais j’ignore qu’ailleurs il se trouve tant d’hommes
Chez lesquels ces élans vite disparaîtront.
Le beau jour inouï me soulève et me porte ;
J’embrasse l’éternel, le visage en avant.
Juillet, béni de feux tel un astre vivant,
Allume des frissons au coin de chaque porte.
Dans le bassin lui-même angélique et flâneur,
L’été baigne à loisir sa chevelure neuve
De sorte qu’il n’est rien dont mon cœur ne s’émeuve
Quand les flammes des eaux s’étirent de bonheur.
J’ai huit ans. Mille objets se disputent ma vue.
Le soleil fait courir des nappes de cristal,
Et je déploie au ciel du grand pays natal
Quelque divinité maintes fois entrevue.
L’âme d’un carillon s’égrène par instants.
Mon chemin refleurit de seconde en seconde.
Tout m’appartient : la vie et l’espace et le monde,
Car ici pour toujours… j’ai huit ans ! J’ai huit ans !
Poèmes extraits de "La Blessure des Mots"
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